ECLER dans le confinement : la contrainte source de créativité et d'adaptation ! par Noël Ferrand



A peine en train de sortir de cette période de confinement rigoureux, nous découvrons que nous avons dû inventer de nouveaux modes d'intervention pour maintenir le lien avec des personnes que nous accompagnons. Marie Hélène pour sa part a pu proposer une « télé-formation » à distance à une douzaine de participants de la région de Bordeaux sur deux journées. Chapeau à elle pour sa maîtrise des outils numériques et pour le travail de restructuration du programme de formation qu'elle a dû faire pour le rendre compatible avec les exigences de la communication à distance en temps réel. Elle se propose de nous partager davantage cette expérience sur notre blog ECLER.

Pour ma part j'accompagne individuellement depuis quelques mois bénévolement au sein d'une association d'accueil des demandeurs d'asile 2 dames angolaises dans deux contextes très différents.

La première que j'appellerai Manuela est logée dans un appartement de 3 pièces avec ses trois enfants adolescents, soutenue par un collectif qui prend en charge son loyer et l'accompagne dans ses démarches. La situation de confinement n'a pas été simple pour elle et sa famille. Nous avions avec elle, en alternance avec une collègue aussi formée à ECLER, un rendez vous hebdomadaire qui a bien fonctionné pendant presque une année et l'a beaucoup aidée à acquérir les bases de notre langue qu'elle ignorait complètement : elle se débrouille dans sa vie quotidienne pour comprendre ce qu'on lui dit et pour s'exprimer. Plus de contacts pendant le confinement, sinon un lien téléphonique occasionnel pour prendre des nouvelles. J'ai essayé d'organiser avec elle un rendez vous téléphonique de travail, mais ça n'a pas marché du tout : elle n'avait pas le moyen de s'isoler pour être disponible au téléphone, et nous avons dû renoncer.

La deuxième que j'appellerai Teresa a un profil très différent. Alors que Manuela a été très peu scolarisée en Angola, Teresa a un cursus scolaire jusqu'à l'université dans son pays. Célibataire, elle est hébergée dans des familles successives qui l'accueillent pour quelques semaines. Avec le confinement elle a dû séjourner 3 mois dans la même famille. Ne pouvant plus la rencontrer pour nos rendez-vous hebdomadaires nous avons convenu d'aménager le travail à distance. Comme elle pouvait disposer d'un ordinateur mis à sa disposition par la personne qui l'héberge, la proposition que je lui ai faite a été d'écrire sur son cahier un texte chaque semaine, puis de le taper sur l'ordinateur et de me l'envoyer par mél pour le travail de révision. Entre le moment de son premier jet sur le cahier et l'envoi de  son mél je lui laisse la possibilité d'améliorer son travail en auto-correction en utilisant les outils dont elle dispose  (Dictionnaire, Bescherelle etc.). Avec son niveau d'études elle est tout à fait capable d'utiliser ce genre de ressources avec lesquelles nous nous sommes familiarisés lors de nos rencontres antérieures. Je reçois donc un texte déjà amélioré par rapport à l'original, la consigne étant que ces améliorations soient le fruit de sa réflexion et de ses recherches et non des corrections apportées par une tièrce personne : c'est un contrat de confiance.
Je reçois son texte, j'en fais une copie pour le retravailler sur les erreurs à rectifier. Je lui indique quelques pistes de travail sur des points non encore acquis : exercices à faire, fiche de grammaire correspondant à une difficulté et lui renvoie le tout par mél. Nous avons ensuite un rendez-vous téléphonique pour commenter le travail effectué : questions non résolues, commentaires sur les   exercices proposés, explications complémentaires concernant les erreurs etc …

Cette manière de travailler à distance me semble très bien fonctionner. Teresa est très impliquée dans sa volonté d'appendre et est très autonome. Chaque semaine je reçois un nouveau texte et ses progrès d'un texte à l'autre  sont flagrants. Je pense que si ça marche aussi bien c'est parce que nous avons eu au préalable le temps de faire connaissance et pour elle de s'approprier la démarche en face à face réel et non virtuel…

Une expérience modeste mais qui peut ouvrir des perspectives…
Noël, le 15 mai 2020

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