Démarche ECLER par Noël Ferrand

ECLER : Genèse et histoire

Un organisme : MPS/Formation fondée en 1967-1968, à Saint Martin d’Hères près de Grenoble.
Une mission depuis ses origines : accueillir dans le cadre de la formation continue, des adultes ayant peu bénéficié de formation initiale ou en difficultés d’insertion sociale et professionnelle, tous âges, toutes origines et tous statuts confondus.
Une demande mainte fois répétée :
« J’ai besoin de m’améliorer en écriture et en lecture pour mieux me débrouiller dans la vie, trouver du travail et/ou évoluer dans mon métier ».
La démarche pédagogique de l’Atelier ECLER s’est mise en place en 1988. Diffusée depuis 1990 par la formation de formateurs, elle compte en 2010, près de 500 formateurs et formatrices formés en France, en Belgique et en Suisse. Elle concerne tout public, quel que soit son niveau, qui déclare avoir des difficultés avec la langue française pour l’écrire, la lire et/ou la parler :
  • Des personnes jamais scolarisées, étrangères ou françaises, qui n’ont accès à aucun code écrit, dans aucune langue (analphabétisme).
  • Des personnes scolarisées à l’étranger et qui maîtrisent un peu ou très bien les codes écrits d’une autre langue que le français (Français Langue Etrangère).
  • Des personnes scolarisées en France, mais qui estiment leur niveau de performance insuffisant pour être à l’aise avec les codes écrits du français (orthographe, grammaire, expression), public globalement repéré aujourd’hui sous l’étiquette négativement connotée d’« illettrisme »

ECLER : La prise en compte des contraintes de la formation continue

1° contrainte : L’hétérogénéité des âges, des niveaux, des statuts, des origines, des expériences. Les adultes n’entrent pas en formation comme les enfants par cohortes d’âges avec des niveaux supposés homogènes. Un groupe d’adultes en formation, quel que soit le type de recrutement, est d’emblée beaucoup plus hétérogène qu’une classe d’âge d’enfants scolarisés.
2° contrainte : la formation continue suppose une souplesse et une rapidité de réponse aux demandeurs de formations dès qu’ils sont près à faire un pas vers la formation. S’agissant des entreprises, elles libèrent leurs salariés dans les périodes où l’activité est moins tendue. Il faut pouvoir les accueillir dans des moments de disponibilité qui s’articulent avec la réalité de chaque entreprise et rompre avec un schéma de stages fixes, de date à date, où tout le monde ferait le même parcours.
Dès son origine, ECLER a relevé ces deux défis :
  • Celui de l’hétérogénéité acceptée non comme un handicap aux apprentissages, mais comme le ressort d’une pédagogie interactive et différenciée.
  • Celui de la souplesse, par son organisation en  atelier à entrée et sortie permanente pour accueillir dès qu’ils sont disponibles les demandeurs de formation.

ECLER : Objectifs et valeurs

A ECLER, nous donnons l’autorisation d’écrire à ceux qui disent ne pas savoir faire :
« Vous voulez apprendre à lire et écrire, alors écrivez. Vous avez le droit de vous tromper, puisque vous n’avez pas ou peu appris. Ecrivez les mots comme vous les voyez dans votre tête, ensuite nous vous aiderons à les mettre dans leur forme correcte. Alors, vous pourrez taper votre texte sur l’ordinateur et il prendra sa forme achevée, comme dans le livre et ira prendre place dans le classeur collectif où n’importe qui pourra en prendre connaissance. Ecrivez ce que vous avez envie d’écrire, vous le signez et vous le rendez public. »
Cet écrit produit, retravaillé individuellement, sert de base à l’établissement d’une progression dans les apprentissages. Mis en forme sur traitement de texte il est ensuite publié dans un classeur collectif où il est mis à la disposition de tous pour être lu.

Et ces mots sont replacés dans la dynamique de la communication. Ils ont des destinataires : toutes les personnes qui pourront les lire une fois mis en forme et imprimés dans le classeur collectif où ils rejoindront tous les autres textes produits dans l’Atelier.  Ils transmettent un message organisé selon les codes et les normes de la langue française. Ils parlent de leurs auteurs, de leurs préoccupations, de leurs joies, de leurs peines, de leurs points de vue sur la vie, le monde, de leur histoire, de leurs souvenirs. Et par leur écriture ces auteurs se donnent à connaître, « s’écrivent » sous le regard des autres, « s’inscrivent » socialement tout en lisant les autres.

La force d’ECLER, bien au-delà des apprentissages se trouve dans ce courant d’échange et de communication qui transforme les personnes, les valorise en dévoilant leurs richesses singulières, leur donne confiance en elles et les rend plus à même de trouver leur place en étant reconnus dans leur singularité.

Car la révélation d’ECLER, de l’écriture et au-delà d’elle, de tous les modes d’expression que l’on peut imaginer (musique, peinture, danse, artisanat...) est que chaque personne en ce monde est porteuse un message singulier à transmettre à l’Humanité tout entière. Développer un de ces modes d’expression pour permettre à ce message de surgir, de se construire pour pouvoir être porté à la connaissance des autres et transmis, voilà, un des enjeux essentiels de l’éducation et de la formation.

Il est question d’écriture, mais il s’agit en fait de pouvoirs à conquérir :

  • Pouvoir « d’exister, de se situer d’être reconnu » dans un monde où l’écrit structure la vie, les relations, les déplacements, l’expression culturelle, les loisirs, le travail...
  • Pouvoir d’exprimer notre identité, de dire qui nous sommes dans la diversité des richesses que nous portons.
  • Pouvoir d’apprendre en gagnant la capacité d’entrer dans l’immensité des connaissances disponibles dans et par l’écrit.
  • Pouvoir de participer à la vie citoyenne balisée à tous moments de repères écrits par rapports auxquels nous avons à réagir et à prendre position.
  • Pouvoir d’analyse et de synthèse : l’écriture organise la pensée (élaboration), la rend lisible et communicable.

L’enchaînement des activités à l’Atelier ECLER

C'est à la rencontre de  ses  propres mots que la personne est invitée à partir pour faire l'effort de les transcrire à sa manière, comme elle le peut, et constituer ainsi le matériau de base de ses apprentissages : mots familiers qu'elle sait prononcer plus ou moins bien, mais qu'elle n'a jamais essayé d'écrire ; ceux qu'elle utilise au quotidien dans l'élaboration et la transmission des messages qu'elle émet ou qu'elle reçoit, sa langue "vécue" en quelque sorte. Voilà le « matériau »  qu’il lui est demandé de poser sur son cahier pour mener à bien la tâche dans laquelle elle s'engage et que l’on peut décliner ainsi :

  • Relecture et correction individuelle du texte avec le formateur : c’est le moment de la  leçon individualisée de français , celui où sont explicitées quelques règles, où les mots erronés sont repérés et corrigés pour aller ensuite prendre place dans le répertoire alphabétique ; c’est le moment où se construit sur une fiche de suivi la progression personnalisée de chacun, avec l’indication d’exercices à travailler pour intégrer les règles ou la conjugaison.
  • Travail individuel pour reclasser les mots erronés dans le répertoire, pour réaliser les exercices programmés avec le formateur sur le cahier d’exercices : ce travail ne nécessite aucun contrôle du formateur au moment où il s’effectue, sauf à répondre à une question précise du participant. Le prochain tête à tête formateur-formé permettra de vérifier ce qui aura été fait.
  • Travail de saisie informatique sur traitement de texte constituant le travail de réécriture après correction de telle sorte que soient rectifiées les erreurs, travaillée la mise en page et la ponctuation pour arriver à un texte publiable en deux exemplaires : un pour le cahier de l’auteur ; un pour le classeur collectif.
  • Temps individuel de lecture dans le classeur collectif ; de mémorisation de tous les mots répertoriés ; d’autodictée à partir d’un texte édité ; d’entraînement à la lecture ou à l’orthographe sur ordinateur etc…
  • Temps de régulation collective (séance collective) : moment de lecture et d’écoute des textes publiés ; mutualisation  de vocabulaire sur un thème ; travail méthodologique sur la démarche pédagogique, sur les techniques d’écriture ou sur quelque question que ce soit abordée par les participants : ce temps est centré sur les échanges oraux. Il permet pendant un moment de casser le travail individuel et de faire exister le groupe en tant que tel. Il donne toujours lieu à un document écrit sous forme de fiche qui donne du matériau réutilisable par chacun dans l’écriture de ses textes.

Atouts et perspectives :

  • Des cycles de formation courts  (une centaine d’heures), en extensif (deux séances par semaine), avec possibilité d’enchaîner deux ou trois cycles en fonction des besoins et des financements mobilisables. Des outils précis d’évaluation permettant de mesurer les progrès à la fin de chaque période.
  • Responsabilisation et apprentissage de l’autonomie : les apprenants sont au centre du dispositif comme acteurs principaux de leurs apprentissages.
  • Réponse de formation tout à fait adaptée à la gestion de l’hétérogénéité des niveaux par l’individualisation des parcours à l’intérieur d’un groupe : pas d’effet ghetto, sexes, âges, origines, statuts, niveaux de compétences ; chacun peut travailler à son niveau, sur ses propres difficultés tout en bénéficiant des interactions d’un groupe totalement hétérogène.
  • Progrès souvent rapides et spectaculaires. Effet à double détente :
    • Amélioration de la maîtrise des codes de l’écrit (production d’écrit et lecture) et de l’expression orale : c’est ce qui est l’objet de notre contrat…
    • Remise en confiance de la personne, prise de pouvoir sur sa vie personnelle, familiale, professionnelle, citoyenne : c’est l’effet second (mais pas secondaire) de la mise en relation des personnes à travers leur écriture.

ECLER : Perspectives

En tant que concepteur et  référent de cette démarche pédagogique, je l’ai diffusée seul jusqu’à ce jour en formation de formateurs. A partir de 2011, c’est une équipe de quatre personnes regroupées au sein du « Pôle formateurs 38 – ECLER » qui va prendre en charge cette transmission.

Pour en savoir plus :

Noël FERRAND
Littération, Formation, Conseil

293, route de l’ancienne Poterie, 38960 Saint Etienne de Crossey
Tel : 06 83 27 30 48

noel-ferrand2@wanadoo.fr
Pôleformateurs38-ecler@gmail.com

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